Cela faisait un moment que je n’avais guère mis les pieds ici, et je m’en excuse.
Le parrain s'apprêtait à poursuivre sur sa lancée, lui disant qu'elle n'avait pas à s'excuser pour ça...Il ouvrit la bouche mais fut illico coupé.
Oh la ferme !
La bouche resta ouverte, les yeux marquant l'étonnement. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait ! Il fronça légèrement les sourcils, lui laissant le temps de s'expliquer avant de la remettre à sa place. Cela ne lui ressemblait pas, pourtant. Et effectivement, cela devait lui avoir échappé car elle devint immédiatement écarlate.
Euh… Je… Excuse-moi, j’étais perdue dans mes pensées.
Le colosse en aurait presque éclaté de rire. Une lueur de malice pétilla dans son regard malgré tout, sans qu'Amaëlle, tournée vers la fenêtre, ne puisse le voir. Désormais lancée malgré elle, elle se jeta à l'eau et entra dans le vif du sujet, les yeux fixés sur le dehors tout du long.
Bien que je ne t’aie pas annoncé ma venue, je pense que tu sais pertinemment pourquoi je suis ici. Alors je vais éviter de tourner autour du pot inutilement et assumer l’entière responsabilité de mes choix.
Je tiens tout d’abord à te rassurer sur un point. Je t’aime plus que tout, tu es mon parrain, mais tu es aussi celui qui m’a vu grandir, à mi-chemin entre un père et un grand frère, tu as toujours été là quand j’avais besoin de toi, tu étais là quand papa est parti, et tu es encore là aujourd’hui.
Cet amour que je te porte, il est immuable, et quelques soient mes choix, même les plus récents, et quelque soient tes pensées, à aucun moment je n’ai arrêté de te faire confiance ou de t’aimer.
Ah ba forcément avec des intros comme ça, la colère, déjà dissimulée, avait fort à faire pour rester au rendez-vous. Le Baron avait décidé de la laisser parler jusqu'au bout, étant du genre à l'écoute, et puis de toute façon ses paroles sortaient de toute façon à un tel rythme qu'il n'aurait pas eu le temps d'en placer une ^^.
Alors maintenant, venons en au fait.
Je n’ai pas eu le temps de te l’apprendre avant que cela ne devienne de notoriété publique.
En effet je suis en couple avec Khris depuis un certain temps, et nous avons fait le choix de le taire pendant un bonne partie de cette période.
Tu dois te demander quelles peuvent être les raisons qui m’ont poussées à te le cacher à toi, pourtant mon confident, celui qui m’a vu grandir…
La vérité et que j’espérais te protéger...
Elle s'arrêta, ses yeux verts plantés dans les siens sur la fin. Avait-elle terminé? Il semblait bien que oui. Les émotions s'entremêlaient en Guy, avec, évidemment, une grande dominance d'amour et d'affection immuable.
Il ne dit rien durant quelques instants, mettant de l'ordre dans tout ça. Puis soupira, du soupir de celui qui baisse les armes avant même de les avoir vraiment levées.
Me protéger ?
Il essayait de se mettre à sa place, mais demeurait sceptique, malgré tout. Ce n'était pas sa conception de la confiance et entre elle et lui, il imaginait une confiance absolue, totale. Comme un père espère que son enfant viendra toute sa vie lui parler quand quelque chose ne va pas. Bien sûr les enfants grandissent plus vite que l'image que les parents conservent d'eux, et le constat n'est jamais totalement aisé. Amaëlle était-elle désormais trop adulte pour qu'il puisse encore attendre ce genre de relation ? Oui, sûrement, elle avait forcément son jardin secret, des choses qu'elle ne souhaiterait pas partager avec lui. Forcément. Ou bien peut-être pourraient-ils continuer dans cette relation, mais plus en tant qu'amis que "parents de substitution" ? Dans quelle mesure ? Etait-ce vraiment sain ? Etait-ce vraiment justement parce qu'elle l'aimait à ce point qu'elle lui avait caché son histoire d'amour ? Si c'était pour le protéger, avait-il alors bien fait, lui, d'être franc et honnête avec elle lorsqu'elle lui avait demandé ce qu'il pensait de cette relation ? Aurait-il du mentir, pour la protéger ? Avait-elle vraiment besoin d'être protégée ? Si oui, était-il toujours la bonne personne ?
La perspective de la voir grandir, de la voir s'éloigner de lui, était-ce cela qui lui faisait peur ? La colère qui l'avait étreint n'était peut-être que le reflet de cette crainte...
Oui, il s'en passait des choses dans le cerveau du colosse ^^ Le pauvre était paumé, on dirait...
Et en attendant, le silence s'installait. Sûrement pas agréable pour Ama qui devait guetter avec appréhension sa réaction.
Il finit par ouvrir la bouche, laissant son coeur parler pour lui.
Lorsque nous avions parlé de tout ça, je t'avais dit que j'étais contre. Peut-être aurais-je du me taire mais il me semblait que ce qui comptait par dessus tout, c'était notre confiance, et la franchise qui l'accompagne.
Lorsque j'ai appris cela par quelqu'un d'autre, que je me suis rendu compte que la plupart le savait, je n'ai pas compris. Je me suis dit que cette confiance, tu l'avais perdue de ton côté.
Je t'avais pourtant dit, également, que c'était de toute façon ton choix et que je le respecterais, et cela m'a blessé que cela ne semble pas être suffisant pour toi.
Je ne crois pas que tu m'aies protégé de quelque façon que ce soit.
Les mots étaient franc, une fois encore, mais le ton était dépourvu d'amertume. Il faisait un simple constat, il ne lui en voulait plus. Voulait juste qu'elle comprenne. Ensuite elle en tirerait ses propres conclusions pour la suite, ce ne serait plus du ressort de Guy.
Un petit silence s'installait à nouveau.
Je t'aime aussi tu sais. Énormément. Comme mon propre enfant.
Je suis heureux pour toi. Pour vous.
Ces mots ne franchirent jamais ses lèvres, car la porte s'ouvrit sur le bonheur de sa vie, enceinte jusqu'aux yeux.
Mais oui, les jours suivants l'avaient bien montré, comme une évidence, Ama et Khris étaient faits pour aller ensemble, malgré leur grande différence d'âge. Peut-être le Thiernois s'était-il senti menacé par son vieil ami de toujours, comme si Khris allait lui voler sa "petite". Une réaction de vieux ronchon, ou un sentiment très humain impulsé par un amour profond ?
Ama, enfin tu as su retrouver le chemin de Chaptuzat , ça fait plaisir de te voir ici , tu restes bien sur.
Petit instant de flottement.
Mais je vous dérange peut-être ?
Mais! Elle avait monté les escaliers toute seule !!? Aussitôt le futur père s'était avancé vers elle pour la soutenir.
Non non mon amour, tu ne nous dérange nullement. Mais comment es-tu encore arrivée là hein?
Il se força à faire les gros yeux, sans aucun résultat. Le regard débordant d'amour, il n'y avait de place pour rien d'autre.
Puis se rendant compte qu'il n'avait pas fini sa réponse, qu'Amaëlle ne savait toujours pas ce qu'il pensait de tout ça, que son début de réponse pouvait porter à confusion, interprétée autant comme des reproches que comme l'inverse.
Le colosse lâcha un instant le bras de sa femme et s'approcha de la fenêtre où trônait encore sa filleule.
Et là, tendrement, il la pris dans ses larges bras, la serrant contre lui avec affection.
Bien sûr qu'elle reste.
Refoulant l'émotion qui le gagnait, il pris un air enjoué malgré une voix très légèrement altérée.
On va se faire éclater la panse, hein ?!